Se parler avec la bible

Approches bibliques

Lecture de la Bible :

Quel genre de lecteur es-tu ?

On peut identifier sept types de lecture (qui ne sont pas

forcément séparés par des cloisons étanches).

Lecture « historico-critique »

On aime se renseigner sur le contexte historique ou géographique du texte. On détecte différentes mains dans la rédaction. On recherche pour quel groupe social il a été écrit.

Lecture "sémiotique"

Mot savant pour dire qu'on s'intéresse au texte lui-même, indépendamment de son contexte, comme un vrai passionné de littérature, en évitant les souvenirs de catéchisme ou les opinions du jour.

Lecture "narrative"

Que raconte le texte ? Qui veut-il convaincre ? Quelle communauté, il y a des siècles ? Et moi, comment me parle-t-il, aujourd'hui ?

Lecture « fondamentaliste »

La Bible au pied de la lettre. C'est Dieu qui l'a dictée. Le monde a été créé en sept jours comme le raconte la Genèse, etc. ... (Rome a condamné cette façon de lire !)

Lecture « psychanalytique »

Comme dans n'importe quelle expression écrite, l'inconscient est à l'oeuvre dans la Bible. Savoir y décrypter les grandes questions humaines : la filiation, la jalousie, la loi, la vérité, le sens de la vie …

Lecture "typologique"

Il y a des thèmes qui parcourent la Bible : le désert, la montagne, le pain, l'eau, l'huile, etc. … Il y a des "types", des "figures" : l'innocent condamné, le pauvre, le roi, etc. … Ces thèmes et ces figures se répondent et s'éclairent d'un Testament à l'autre.

Lecture « identitaire »

Je suis une femme : Qu'est-ce que la Bible me dit de la femme ? … Qu'est-ce qu'elle me dit du travail, à moi, ouvrier - de la richesse, de la maladie, de la mort, en ce qui me concerne ? …

Autant d'outils d'investigation à notre disposition,
selon nos dispositions, notre curiosité, notre culture.
La Foi n'interdit pas l'analyse. Elle s'en enrichit.

Inspiré d'un article de l'hebdomadaire
« LA VIE » du 12/10/2000 et résumé
par Paul GALLAND.


Les traductions de la bible et leur rayonnement oecuménique

« Une maison sans la bible
est comme une cuisine
sans cheminée ! »
Piotr BEDNARSKI

Les textes bibliques n'ont pas toujours été suffisamment mis à l'honneur dans l'Eglise catholique.

C'est surtout depuis le Concile Vatican II que nous disposons d'excellentes traductions qui sont à la portée de tous les chrétiens quelles que soient leurs confessions. Les documents conciliaires recommandaient non seulement d'ouvrir largement l'accès de la Bible aux chrétiens, mais ils demandaient explicitement de faire des éditions bibliques à l'usage des non chrétiens.

Voici une brève présentation des 2 versions les plus anciennes de la Bible.

La "Septante"

 

 

C'est la traduction grecque de l'Ancien Testament, texte officiel de l'Eglise orthodoxe. Selon la légende, elle aurait été faite à Alexandrie sous le pharaon Ptolémée Philadelphe (285-246 av. J.-C.) par un groupe de septante deux docteurs de la Loi de Jérusalem, et en 72 jours !
Ptolémée répondait par là au désir des juifs qui ne maîtrisaient plus suffisamment l'hébreu et désiraient avoir une meilleure connaissance de la Tora. La légende raconte que chacun des septante traducteurs, tous des rabbins, fut isolé dans une cellule. Lorsqu'ils en sortirent et rendirent leurs travaux, les 70 exemplaires de leurs traductions étaient parfaitement identiques !

En fait, cette traduction, assez inégale, s'est étalée du 3ème à la fin du 2ème siècle avant J.-C. voire même jusqu'au 1er siècle de notre ère.
Si elle était destinée aux Juifs de la diaspora qui n'entendaient plus l'hébreu, elle répondait aussi aux besoins du prosélytisme. Elle suppose un texte hébreu assez différent de celui de la Bible juive (celle dite des Massorètes), et semble se baser sur des «Targums», c'est-à-dire des interprétations et paraphrases du texte original.

Cette traduction des Septante fut un événement dans l'histoire de l'humanité : c'était la première fois qu'une oeuvre importante était traduite d'une langue dans une autre, de l'hébreu en grec. Traduction d'autant plus extraordinaire qu'elle a été faite sans les instruments à la disposition de tout traducteur moderne. Elle devint le livre saint pour l'Eglise universelle, « katholikê ekklêsia » comme Clément d'Alexandrie l'appelait à son époque.

La Vulgate

 

 

 

 

Après le grec vint le latin, la version latine de la Bible réalisée par Saint Jérôme. La Vulgate ouvrait le message au plus grand nombre. Jérôme, rompant avec la tradition de ses prédécesseurs se refusa à traduire en latin les écrits grecs de la Septante ; au contraire, il voulut remonter aux textes originaux en hébreux pour livrer sa nouvelle traduction latine . Celle-ci est en général très bonne et encore valable.

Le concile de Trente l'a officiellement adoptée pour l'Eglise catholique.

Jérôme vivait de 347 à 420  : Il est né en Yougoslavie comme St Martin. Après avoir étudié le grec et l'hébreu, étant ermite en Syrie, il vint à Rome où le pape Damase le chargea d'une révision de la vieille traduction de la Bible (la "vetus latina"), ce qu'il fit de 382 à 385 après J.-C. Il l'acheva en Palestine.

Ces deux oeuvres pionnières firent ensuite de nombreux émules. Après le latin vinrent les 2600 langues dans lesquelles la bible est traduite aujourd'hui et ce travail continue. Tous les ans, de nouvelles traductions sont éditées dans de nouvelles langues.

En ce qui concerne les traductions françaises qui ont fait date, nous en citerons quelques-unes parmi les plus répandues  :

La Bible de Lemaître de Sacy

La traduction de Louis-Isaac Lemaître de Sacy, réalisée au siècle de Louis XIV – entre 1657 et 1696 - est sans doute la plus belle réalisée en France à cette époque. Cette traduction a régné pendant deux siècles grâce à un nombre incroyables d'éditions et de réimpressions.

La Bible de Port-Royal, à laquelle ont collaboré de prestigieuses personnalités telles que Blaise Pascal, Pierre Nicole, Antoine Arnauld, Pierre Thomas du Fossé, toutes d'obédience janséniste, a inspiré la création littéraire d'artistes comme Hugo et Rimbaud. Stendal, en 1837, estime que la perfection du français se trouve dans cette traduction. Les Protestants eux-mêmes l'ont plusieurs fois publiée, en se bornant à supprimer les livres de l'Ancien Testament rédigés en grec. La Bible de Mr de Sacy reste un monument littéraire et religieux comparable à celui de la Bible de Luther (réédition dans la collection « Bouquins », par Robert Laffont, Paris, 1990).

La Bible de Crampon

Augustin Crampon fut chanoine à la cathédrale d'Amiens. Il publia la traduction des Evangiles en 1864. La publication intégrale de sa Bible, réalisée à partir des langues originales, sortit en 1904. Ce fut la première traduction moderne catholique.

La Bible de Segond

Louis Segond, théologien protestant, publia sa traduction de la Bible en 1876. Elle bénéficia de nombreuses rééditions. En 2007 : Parution de la « Segond 21 » : Bible Segond révisée pour le XXIe  siècle utilisant le vocabulaire d'aujourd'hui. C'est la version française la plus répandue dans les milieux évangéliques et protestants. Elle est aussi acceptée des catholiques, même si les livres « deuterocanoniques » n'y figurent pas.

Ils ne sont pas reconnus par les Eglises protestantes, ni par la Synagogue d'ailleurs. Ce sont des livres mineurs écrits en grec, tels que « Tobie », « Judith » ou « Baruch », ou plus importants tels que le livre de la « Sagesse » et l'« Ecclésiastique » appelé aussi « Siracide".

Cette bible de Segond est aujourd'hui encore une excellente traduction au vocabulaire clair et à la portée de tous.

La Bible Osty

Traduction éditée dès 1923 aux éditions Desclée et Cie par le Chanoine Emile Osty.

Elle fut refondue entièrement avec la collaboration du Père Joseph Trinquet et rééditée au Seuil en 1973. C'est une traduction rigoureuse et élégante avec des notes riches et précises, même si elles commencent à dater.

La Sainte Bible du Cardinal Liénart

En 1951, Achille Liénart, ancien évêque de Lille et grande figure du Concile Vatican II, publia, à la Ligue Catholique de l'Evangile, cette traduction de la Bible. Edition peu coûteuse en un volume et texte facile d'accès. L'introduction a été écrite par Daniel-Rops.

 

La Bible de Maredsous

Publiée chez Brepols en 1977, cette « Bible pastorale » utilise les mots de l'homme d'aujourd'hui tout en étant très proche des textes originaux. Elle est fort appréciée des chrétiens qu'ils soient catholiques, protestants ou orthodoxes.

Maredsous est devenu un centre informatique qui a mis la bible à la portée des internautes du monde entier en réalisant la numérisation des textes bibliques et en éditant d'excellents logiciels d'études bibliques.

La Bible de Jérusalem

Aux éditions du Cerf, cette traduction est la plus diffusée des Bibles d'étude, avec introductions et notes abondantes. Parue en fascicules de 1946 à 1954 sous la direction des Dominicains de l'École Biblique de Jérusalem, éditée en un volume dès 1956, révisée en 1973 et en 1998, elle serre au plus près le texte-source des 73 livres.

Elle met en valeur les genres littéraires : récits mythiques et épiques , écrits juridiques, généalogies, chroniques, archives, oracles, hymnes, contes, proverbes, lettres, poèmes : cette traduction nous a fait redécouvrir le rythme poétique de l'hébreu.

A noter que l'Ecole Biblique de Jérusalem nourrit le projet d'une refonte complète de l'ensemble du travail, dans les années qui viennent.

La Bible hébraïque traduite par André Chouraqui

Desclée de Brouwer, Paris 1974-79 et 1985 .

André Chouraqui, écrivain juif de grande envergure.

Il fut conseillé de Ben Gourion et assuma les fonctions de Maire-adjoint de Jérusalem. Son oeuvre littéraire immense est dominée par la traduction et les commentaires de la Bible hébraïque ainsi que par la traduction des textes grecs du Nouveau Testament replacés dans leur contexte culturel araméen et hébreu. Il a de plus réalisé une traduction très fidèle du Coran

C'est la première fois qu'une même personne ramène en leur source les livres fondateurs des trois monothéismes. Il fut un artisan infatigable de l'oecuménisme.

Dans cette traduction de la Bible hébraïque, il nous offre une traduction littérale qui met en valeur le caractère imagé et les subtilités de la langue hébraïque quitte à donner à sa traduction une allure parfois abrupte mais très respectueuse du texte original.

En voici un exemple avec un extrait comparé à la Bible de Jérusalem :

Bible de Jérusalem

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux.

Dieu dit: "Que la lumière soit" Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne et Dieu sépara la lumière et les ténèbres.

Dieu appela la lumière "jour" et les ténèbres "nuit".

Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour.

(Gn 1, 1-5)

Bible de Chouraqui

Elohîm créait les ciels et la terre, la terre était tohu-et-bohu, une ténèbre sur les faces de l'abîme, mais le souffle d'Elohîm planait sur les faces des eaux.

Elohîm dit: "Une lumière sera." Et c'est une lumière. Elohîm voit la lumière : quel bien! Elohîm sépare la lumière de la ténèbre.

Elohîm crie à la lumière : "Jour."
À la ténèbre il avait crié : "Nuit."
Et c'est un soir et c'est un matin : jour un.

(Gn 1, 1-5)

La Bible, nouvelle traduction

(Bayard 2001)

Cette édition récente, orchestrée par Frédéric Boyer, a été conçue pour « réveiller la lecture biblique ». Les notes et les introductions ont été voulues concises afin de privilégier la musique et le rythme du texte dans la polyphonie des traductions des 73 livres.

Oeuvre de biblistes et d'écrivains contemporains chrétiens, juifs ou agnostiques, son langage est moulé dans la langue française et semble plus proche de nous. Elle se permet plus de souplesse par rapport aux textes originaux ce qui lui est reproché par les tenants d'un texte plus littéral.

Quelques points de comparaison :

Formules traditionnelles

  • La grâce de Dieu
  • L'Esprit du Christ
  • Les saints en Jésus-Christ

La Bible, nouvelle traduction

  • La tendresse de Dieu
  • Le souffle du Christ
  • Ceux qui font confiance au Christ Jésus

 

La Traduction Œcuménique de la Bible : la TOB

Coéditée par les éditions du Cerf et l'Alliance Biblique Universelle, le travail a été mené conjointement par des protestants et des catholiques à la fin des années 60. Les orthodoxes, sans y collaborer, ont approuvé le projet.

Parue en 1975, révisée en 1988, elle cherche à rendre la forme du texte-source des 73 livres et s'accompagne, elle aussi, de notes abondantes qui permettent, dans certains cas, une introduction à la diversité des interprétations juives et chrétiennes. Les ''deutérocanoniques'' sont regroupés avant le Nouveau Testament. Son souci est double : à la fois, la rigueur scientifique et une réelle collaboration entre les différentes confessions chrétiennes.

C'est la traduction qui est en usage dans nos célébrations liturgiques.

En 2003, les 5 premiers livres de l'A.T. ou ''Pentateuque'' ont fait l'objet d'une édition séparée avec une traduction (légèrement) revue, des notes et un tableau chronologique entièrement révisés. Fin janvier 2004, une version entièrement rénovée a été présentée au Conseil Œcuménique des Eglises par l'Association Œcuménique pour la Recherche Biblique, les Editions du Cerf et la Société Biblique Française.

Paul SPIES

Note : Merci à André Delvaux, exégète, et à André Botteman pour leurs notes et précisions.