Averroes

 

AVERROES,

ou le secrétaire du diable

Gilbert Sinoué
Editions Fayard

 

 

Juriste, canoniste, médecin, théologien, philosophe, Grand cadi de Séville. Ami du juif Maïmonide et d'Abubacer, le médecin personnel du Calife.
Il incarne un islam éclairé marqué par la volonté de concilier la foi et la raison, la philosophie et la Révélation, Aristote et Mohammed.
Calomnié par les uns, condamné par d'autres, magnifié par beaucoup, il demeure le dernier grand penseur de l'Islam des Lumières, voir de l'Islam tout court.

Voici quelques commentaires et extraits de ce beau livre.

La "conviventia", est cette période de l'histoire (12e siècle) où se pratiquait en terre d'Islam, l'art de vivre ensemble dans le respect des différences. Période pendant laquelle juifs et chrétiens étaient autorisés à pratiquer librement leur culte, à commercer, à exercer le métier qu'ils souhaitaient à la seule condition de s'acquitter d'un impôt auprès des autorités musulmanes.

Au 10e siècle, la route reliant Madinant al-Zahra à Cordoue était éclairée la nuit par des centaines de lanternes.
Du haut des remparts, on eut dit un collier de perles qui se déroulait jusqu'au pied du palais. Ce devait être un spectacle unique, même si la majorité des villes d'al-Andalous étaient en ce temps dotées d'un éclairage.

Juifs et musulmans ont vécu en harmonie jusqu'en 1106. Tumart mit fin à cette belle période. Il se considérait comme le seul interprète du Coran. On le surnommait "l'impeccable". Il n'existait à ses yeux que 2 loi s: le Coran d'un côté, l'épée de l'autre. L'unitarisme donna naissance aux Almohades.

"Le mal qui sévit depuis la nuit du monde : le refus de reconnaître chez l'autre le droit de penser autrement, de respirer à son rythme, d'aimer celui vers qui son cœur l'entraîne. Ni les arbres, ni les fleurs, rien dans la nature n'est double. Il n'existe pas de jumeaux parmi les astres ni parmi les fleuves et ni parmi nos réflexions."

"Je ne remercierai jamais assez le Très-Haut de m'avoir permis de naître dans une famille où régnait l'indulgence et le savoir."

A propos des commentaires d'Averroès sur "Le Traité de l'âme" d'Aristote : Thomas d'Aquin condamna Averroès. Il n'utilisait malheureusement qu'une version latine très approximative. Elle était issue d'une traduction arabe elle-même tirée d'une traduction Syriaque d'un texte grec à l'origine, une version ayant voyagé de Palerme à la Perse en passant par l'Orient !

Auteur d'une œuvre abondante: "Si je devais faire le compte des feuillets noircis depuis l'âge de 20 ans, ils ne seraient pas très éloignés de 10 000." (confirmé, 1199-1260 par l'historien Ibn al-Abbar.)

"Bannir la musique de la vie des hommes? Alors que Dieu n'est que musique et l'univers, un chant de gloire" p. 60

"J'estime que les théologiens ne laissent pas assez de place à la diversité des points de vue là où le doute est permis." p.63

Frédéric II (1229) fut excommunié à 2 reprises et s'en moquait.
Couronné en 1215 à Aix-la-Chapelle, il avait promis au pape qu'il prendrait la tête d'une 6e croisade. Il reportait et en 1227, le pape exaspéré l'excommunie. L'année suivante il s'embarque à Brindisi sur invitation du Sultan (le fils de Saladin) avec qui il lie une grande amitié.
Le sultan lui céda Jérusalem, Nazareth et Bethléem sans qu'une goutte de sang fut versée. Le pape indigné par sa politique de conciliation l'excommunie à nouveau... p. 69

"Songez qu'à Rome vous ne pouvez pas traverser le Forum sans piétiner dans la bouse de vache, alors qu'à Bagdad les rives du Tigre son bordées de balustrades en marbre, que, pareillement à Cordoue, la ville bénéficie de l'éclairage urbain et que les établissements de bains publics s'y comptent par douzaines." Frédéric II p. 73

"Mille venant de mille vaut mieux qu'un venant de un." p. 119

Un jour, une fatwa aussi stupide que méprisable décréta la destruction de toutes les églises. De nombreux chrétiens furent obligés de fuir vers le nord, et ceux qui décidèrent de rester se sont arabisés tout en demeurant fidèles à leur foi. Ils conservèrent le latin comme langue liturgique, mais l'arabe devint leur langue de culture et de communication. Ils adoptèrent des noms arabes, nos vêtements et notre mode de vie. Ils ne mangeaient plus de viande de porc et évitaient de décorer leurs églises avec des images et des sculptures, qui sont des signes d'idolâtrie. Bientôt on les surnomma les mozarabes. Les arabisés. p. 230 (Les chants de leur liturgie mozarabe était très beaux et dépouillés, des chants de type grégorien orientalisé.)

"Il y aura des ruisseaux d'une eau jamais malodorante et des ruisseaux d'un lait au goût inaltérable, et des ruisseaux d'un vin délicieux à boire." Coran XLVII, 15